Regard d’un Mahorais de la Réunion sur son île natale

Regard d’un Mahorais de la Réunion sur son île natale

Mayotte, le courage d’une île

Mayotte n’est pas le plus avantagé des territoires ultramarins, ceci dit les habitants de cette île française récemment promu au rang de Département d’Outre-Mer, luttent à coups de système D pour que leur île de 374 Kilomètres carrés à la démographie galopante, ne sombre pas dans la saturation non-retour, et Le chaos.

Des cris d’alerte ont déjà été poussés à plusieurs reprises par les Parlementaires mahorais au sein de l’Hémicycle Bicéphale à Paris -des 2 assemblées de l’Assemblée Nationale. Selon les affinités politiques des uns et des autres, les représentants des partis emblématiques de la Vème République ont fait de Mayotte un sujet, il faut le dire, de convoitise de l’électorat Mahorais lors des échéances nationales.

Aux attentes des Mahorais, viennent s’ajouter l’imbroglio de la revendication de l’île devant les instances internationales (à l’ONU) depuis l’indépendance des Comores, et le choix des Mahorais de demeurer français. Alors que les citoyens français de Mayotte croyaient être définitivement à l’abri avec l’accession au statut de Département tant convoité, voilà que de “vieux démons“ refont surface : des tractations diplomatiques dans les coulisses du Quai d’Orsay avec le gouvernement actuel des Comores à propos de Mayotte sous l’ère du gouvernement Macroniste.

Emmanuel Macron, actuel Président de la République française, avait harangué la foule avec l’un de ses discours de campagne dont lui seul a le secret, pendant une visite “éclair” de campagne électorale à Mayotte. Ce discours resté dans la mémoire du peuple Mahorais chantait la promesse d’un endiguement du perpétuel problème de l’immigration clandestine. Il faut dire que les frontières françaises dans cet espace du Canal du Mozambique sont poreuses chaque jour, à son lot d’embarcations de fortune, les “kwassa-kwassa”. Dans un superbe lagon de 2000 kilomètres carrés borné par une barrière de corail, les candidats à l’immigration clandestine bravent un brin de mer de 70 kilomètres séparant l’île comorienne d’Anjouan et Mayotte. On ne compte plus de nombre de morts, comme les passeurs de ces embarcations et leurs fabricants ne comptent leur fortune sur l’infortune de ces malheureux. Un commerce inhumain, mais juteux. L’Etat comorien accuse la France d’être responsable de ce drame du fait de l’attraction de Mayotte, et le déséquilibre de niveaux de vie entre les 2 rives. Et la France de renvoyer l’appareil aux différents gouvernements comoriens successifs de ne pas savoir tenir leurs frontières en laissant de pauvres âmes s’embarquer sur des embarcations de fortune au péril de leur vie. Cette situation de “ping-pong” a des conséquences visibles sur les le territoire de l’île. Services publics saturés, Foncier occupé anarchiquement ou de manière illégale, création de réseaux mafieux exploitant la misère humaine, Antagonismes les Mahorais rattachés à la République Française et les nouveaux arrivants.

Une situation explosive, une poudrière

Ce fut le constat de Frédéric Mitterrand lors de son passage dans le 101ème Département de France. C’était lors du précédent quinquennat sous la présidence de François Hollande (2012-2017). Ne manquant pas au passage d’écorcher le niveau de compétences des élus mahorais.

En ce mois d’Octobre, les évènements vont indubitablement dans le sens de l’ancien ministre “Hollandais”. Les groupuscules en présence, et leurs différentes revendications se retrouvent en confrontation d’idées. Le Défenseurs de Mayotte Française loin de la présence comorienne, dénoncent le laxisme des représentants de l’Etat français sur le territoire, le gouvernement actuel par le biais du Quai d’Orsay, sur la question de l’immigration. Les élus locaux et parlementaires en prennent aussi pour leur grade. Allant jusqu’à être accusés de complicité sur la problématique de l’immigration clandestine.

Un collectif, le CODIM (Collectif de Défense des Intérêts des Mahorais) s’inscrit dans ces revendications. Notamment sur de actions coups de poing de sitting devant des administrations publiques de l’Etat et du Département. Ses membres se réclamant pour certaines des héritières des célèbres “chatouilleuses”, femmes amazones ayant mené de leur vivant des actions civiles pour le maintien de Mayotte dans la France, firent la Une de l’actualité pour avoir mené à mal les services de régularisation des étrangers de la Préfecture de Mamoudzou. Le justificatif de ces actions très décriées par les institutions publiques, prend sa source sur la position du gouvernement comorien du colonel et Président des Comores Azali Assoumani de refuser le rapatriement vers les Comores de personnes en situation irrégulière venant du Centre de Rétention des étrangers de Mayotte.

Le vent de révolte avait déjà commencé en début d’année avec le blocage de l’île pendant 2 mois de grève illimitée contre l’insécurité, dite “grève des barrages”. La tempête d’Octobre (3 mois de sitting et de blocage devant le bureau des entrées à la Préfecture), après des réponses de l’Etat qualifiées de mépris par le CODIM, a jeté son courroux sur l’utilisation des moyens humains envoyés déployés sur le territoire pour la sécurité de la population. Ils estiment que ces moyens essentiellement militaires réclamés lors de la grève des barrages sont employés contre les mahorais au lieu de stopper la valse des kwassa-kwassa qui continue son bonhomme de chemin à ciel ouvert, sans la moindre inquiétude. Devant ce blocage des institutions en rapport avec la politique d’immigration et de régularisation des étrangers, les Associations de défense des droits de l’homme du 101ème Département de France dénoncèrent une entrave aux lois de la République de la part des membres du CODIM. Les raisons de la colère sont légitimes mais souvent au final il ne reste que la colère. La situation n’est pas prête de s’apaiser, d’autant plus que l’intervention des forces de l’ordre pour déloger manu militari les “Mamas Chatouilleuses” du CODIM a enflammé l’actualité et les réseaux sociaux par des vidéos que seul le net sait en produire. Toujours est-il que finalement ces sont des drames humains qui se jouent au sein d’une société mahoraise prise dans l’étau de la diplomatie, et des intérêts supérieurs des Nations en présence face à un peuple censé être souverain au cœur de la mêlée.

Mayotte titube, et si Mayotte tombe, que feront la France et les Comores?

Et Mayotte dans tout ça ?

Cette question rappelle l’ouvrage de l’ancien Préfet de Mayotte Phillipe Boissadan : “Que faire de Mayotte?”. En effet il est intéressant de constater à quel point le destin d’une île et de sa population peut se jouer sur une seule question, qui revient à plusieurs reprises et étapes de l’Histoire. Le nombre de référendums sur le devenir de cette île de l’Océan Indien en atteste. Mais Mayotte ça n’est pas seulement des habitants. Mayotte c’est aussi un écosystème. L’un des plus riches et les plus variés au Monde. Des espèces endémiques qui font le charme naturel de l’île Hippocampe. La surpopulation exponentielle et le mode de vie consumériste sans limites menacent cet écosystème, sa beauté. Un lagon d’une rare beauté des plages au panorama époustouflant. Une faune et une flore, patrimoine naturel et symbolique de la culture du peuple Mahorais. Une identité sur le vaste Monde qui ne laisse aucun touriste de passage indifférent.

Ce territoire paradisiaque qui n’a rien demandé aux hommes si ce n’est d’en jouir, le préserver en en prenant soin, part en lambeaux dans le lagon à cause du défrichement pour une culture vivrière et des constructions anarchiques sans tenir compte du PLU (Plan Local d’Urbanisme) des Communes. Un mariage funeste avec l’érosion pour faire d’une pierre deux coups, transformant un lagon bleu émeraude et azur aux eaux turquoises, en couleur rouge sang de la terre d’argile des hauts des collines des bidonvilles et espaces agricoles “arboricides”. La pollution des hommes n’est pas en reste. Les modes de consommation et de vie des ménages peu importe leur emplacement sur les 374 kilomètres carrées de terre, dégrade continuellement inexorablement la santé de la terre et de l’eau des cours d’eau. Cette course effrénée moribonde amorce, tel est le cas sous notre ère à travers le globe terrestre, le début de la fin de toute source de vie. La disparition d’une vie entrainant celle d’une autre, le cycle de la chaine alimentaire et de la vie prend le sens inverse pour s’en prendre à celui qui s’est érigé comme étant au sommet de la chaine : L’Homme.

Comme si cela n’est pas assez, voilà que des essaims de séismes d’origine inconnue font leur apparition cette année. Chamboulant des esprits déjà bien échaudés, mettant à mal la tranquillité déjà fragile d’une île au volcan en sommeil.

 

Ibrahim Ahamed
Bloggeur et essayiste

 

Image: Clicanoo
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